5/1/2016
Corrections à apporter aux fichiers GRIBS
Les fichiers gribs sont des sorties brutes des modèles sur ordinateurs, GFS américain ou ECMWF européen pour la plupart.
Les prévisionnistes professionnels les retraitent en croisant ces informations de base avec d’autres informations (cartes en altitude, photos satellites, expérience…) et tracent les fronts ainsi que leurs déplacements, ceci pour fournir les bulletins météo des grands Offices météorologiques.
A bord un skipper se doit de faire un minimum de corrections pour interpréter de manière autonome les fichiers gribs qu’il reçoit.
Jean-Yves Bernot (JYB, célèbre dans le monde de la course au large comme routeur et navigateur) m’a autorisé à reproduire les corrections qu’il recommande dans son dernier livre « LES ROUTAGES en course et en croisière » (paru en 2014) :
1-sous-estimation systématique des vents à partir de 6nds. Majorer les vents donnés par les fichiers de +20% jusqu’à 45nds. Au-delà méfiance, tout peut arriver (j’ai subi un ouragan avec 100 nds établis pour 60 nds annoncés près du détroit de le Maire).
2- sous-estimation des vents canalisés entre un front froid et un relief (cas classique du cap Finisterre)
3- sous-estimation du vent dans les traînes ; Rajouter 3 à 5 nds.
4- surestimations des vents dans les centres d'anticyclone et les axes de dorsale (le modèle donne par exemple 5 nds de vent alors qu'il n'y a rien du tout)
5- mauvaise prise en compte des directions et vitesses de vent pour les vents inférieurs à 6 nds.
6- mauvaise prise en compte des effets locaux par les modèles globaux. On ne se fiera pas trop aux fichiers gribs à l’approche des côtes.
7- sous-estimation du mistral (rajouter 5 à 10 nds)
8- impossibilité de montrer le détail du vent dans les fronts froids
9- impossibilité de montrer grains et orages
10- sous-estimation des vents de NE en Manche (rajouter 3 à 5 nds)
11- Non prise en compte des rafales. Le vent donné par les fichiers gribs correspond au vent moyenné sur 10 minutes, ce qui lisse sérieusement les phénomènes. On peut facilement, suivant les situations météo avoir des rafales à +30 ou +40%, voire davantage suivant l’instabilité de l’air. Dans l’ouragan que j’ai subi mentionné plus haut j’ai subi des rafales à 140nds (puis l’anémomètre s’est envolé).
Pour la définition précise des vents météo et des rafales lire le lien :
http://www.meteofrance.fr/prevoir-le-temps/observer-le-temps/parametres-observes/vent
JYB ajoute les commentaires suivants :
« Ceci étant, à ces correctifs près, la qualité des prévisions de vent données par les principaux modèles est souvent bonne, impressionnante dans l'Atlantique Nord, à condition d'en connaître les limitations.
Concernant l'étendue dans le temps de la prévision:
- les prévisions sur les deux premiers jours sont souvent très précises, c'est-à-dire que la nature et la position des phénomènes est décrite très correctement. On peut faire de la stratégie fine.
- les prévisions sur les 3 et 4 jours sont souvent bonnes, c'est-à-dire que la nature des phénomènes est bien décrite et leurs déplacements sont correctement prévus mais avec "un peu de jeu". On peut faire de la stratégie en tenant compte d'éventuels décalages dans le trajet des phénomènes importants.
- les prévisions sur les 5 et 6 jours sont indicatives, c'est-à-dire qu'elles indiquent le type de situation à laquelle on va avoir à faire face, avec une idée du trajet et du rythme de passage des individus météorologiques. On saura par exemple que l'on se trouve plutôt dans un courant d'Ouest avec un passage dépressionnaire sur la Manche au jour 5, d'une traîne active et de l'établissement d'une dorsale puissante au jour 6. On ne peut faire qu'une stratégie grossière.
- grande méfiance au-delà »
Ces performances, valables pour l'Atlantique Nord se dégradent nous dit-il dans des zones à densité d'observation moindre comme sur l'océan Austral, zones pour lesquelles les prévisions à 4 jours marquent la limite de ce que l'on peut raisonnablement utiliser.
Enfin JYB nous met en garde sur le fait que certes les anticyclones se déplacent beaucoup plus lentement que les dépressions mais que, telle une pieuvre, il déploie ou rétracte à grande vitesse ses tentacules, c'est-à-dire ses dorsales. C’est un élément très important à prendre en compte pour le routage.
J’ajouterai un commentaire important :
Le skippeur à la table à cartes doit apprécier la cohérence de la prévision météo dans sa zone, gage de sa fiabilité, avec les mesures données par les instruments du bord : pression barométrique (il faut pour cela soigneusement étalonné son baromètre et le vérifier régulièrement) et tendance, force et direction du vent et leurs évolutions. Lorsque la cohérence n’est pas vérifiée (par exemple si la pression prévue dans la zone diffère de plus de 2HPa de celle du baromètre) il faut se méfier et ne pas faire de stratégie trop raffinée à long terme car cela veut dire que la prévision n’est pas bonne et sera remise en cause par le réseau mondial de mesures dans les 6 heures qui suivent. Nous avons en effet avec nos instruments simples, baromètre, girouette, hygromètre et thermomètre un immense « avantage » sur les ordinateurs les plus puissants du monde c’est que nous faisons des mesures in situ sur le lieu et au moment qui nous intéresse.
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